Les mésaventures de profs français embauchés par Kadhafi.... Il faut parfois réfléchir !!!
Ils étaient partis enseigner le français en Libye et se sont retrouvés coincés dans le pays sans visa pour pouvoir en partir. Certains ont démissionné et sont parvenus à quitter la Libye fin décembre en passant par la Tunisie. Les autres ont été rapatriés par avion militaire ces derniers jours. Récit d'une aventure libyenne où Kafka règne en maître.
Tout commence par une annonce plutôt alléchante publiée sur Internet qui disait en substance ceci: «Ministère de l'Education libyen cherche professeurs pour enseigner le français à l'université pour une durée d'un an.» Ils sont 35 à répondre à l'offre dont Michel, Catherine et Habiba. «Bien sûr, j'étais consciente du contexte politique. J'ai contacté l'ambassade de Libye à Paris, l'ambassade française à Tripoli, l'université dans laquelle je devais aller enseigner. Tous m'ont rassurée, me disant que tout irait bien, qu'il n'y avait pas de craintes à avoir», commence Habiba.
Au final, ils sont 26 profs à embarquer, avec conjoint et enfants, le 21 septembre dernier. Vol collectif et accueil à l'arrivée avant d'être dispatchés dans une douzaine d'universités du pays. A ce moment précis, aucun ne se doute des déconvenues qui les attendent.
Première galère, la recherche d'appartement. En Libye, la plupart des propriétaires acceptent de louer leurs appartements moyennant une avance de loyers d'un an. Beaucoup n'avaient pas suffisamment d'argent de côté, ignorant cette pratique.
Les cours à la fac débutent. Comme eux, il y a aussi des profs venus des Philippines pour enseigner l'anglais. «Pendant très longtemps, l'apprentissage des langues a été interdit par Kadhafi. Il est autorisé depuis peu. D'où le recours à des enseignants étrangers», précise Michel. Prof dans une université au Québec, il a accepté ce poste en Libye plutôt bien payé. 3.000 euros net sur le papier compte tenu de son expérience et de ses diplômes. Sauf qu'à la fin du premier mois, pas de paye. Les semaines défilent, toujours rien. Il apprend alors au détour d'une discussion avec des collègues étrangers qu'ici, personne ne touche la totalité de son salaire avant la fin de l'année.
Interloqué puis inquiet, il se tourne vers l'ambassade. S'ensuit un échange interminable et parfois invraisemblable de mails avec l'attaché de coopération et d'action culturelle, et un expert linguistique en poste à l'université. «Pour résumer, l'ambassade disait faire tout son possible pour nous aider tout en se défaussant de leur responsabilité en nous disant qu'on avait signé un contrat local», poursuit Michel encore rouge de colère.
«On passait des heures, même des journées à l'administration, baladés de bureau en bureau. Jusqu'à en chialer parfois», raconte Habiba. «C'est vrai qu'on s'est pas mal énervé, on a beaucoup pleuré, se souvient Catherine, venue en Libye avec «pleins d'espoirs», son mari colombien et sa fille de cinq mois. Mais, le pire, c'est quand on s'est rendu compte qu'on était coincé là-bas. Qu'on ne pouvait pas rentrer en France en cas de problème. C'était très angoissant.»
Point d'orgue de l'aventure galère: l'obtention du visa de sortie. Car on ne sort pas de Libye comme ça, surtout si on est lié par un contrat de travail local. Michel assure, mails à l'appui, que l'ambassade leur avait donné l'assurance avant le départ qu'ils auraient leur carte de séjour dans les deux semaines après leur arrivée sur place avant d'obtenir dans la foulée un «visa multi-entrées», sésame pour entrer et sortir du territoire librement. Mais là encore, plusieurs semaines passent. Rien. Habiba panique. Elle doit se faire opérer en France à la mi-décembre, une intervention prévue de longue date. «Il n'y avait pas d'urgence vitale. Mais j'ai pris conscience du piège dans lequel on était tombé. Je comprends qu'on n'a aucune chance de pouvoir sortir du pays tant que court notre contrat avec l'université. C'est une règle locale, l'ambassade ne pouvait l'ignorer, elle aurait dû nous prévenir avant de partir. Jamais je n'aurais jamais accepté ce poste dans ces conditions.»
Elle envoie sa lettre de démission le 5 décembre. «Mais j'étais loin d'être sortie d'affaire. L'administration libyenne, c'est Kafka puisssance 10. Pour obtenir les papiers nécessaires, il me fallait pas moins de 17 tampons d'admnistrations différentes ! L'horreur. On me demandait même le tampon d'une bibliothèque qui n'existait pas. J'ai cru devenir folle», poursuit Habiba. A bout, elle en vient à payer un Libyen pour l'aider dans ses démarches, «savoir où faire la queue, à quelle porte taper.» Elle quittera finalement la Libye fin décembre avec quatre collègues. Les 21 autres sont restés sur place jusqu'aux événements de ces derniers jours. La plupart ont alors été rapatriés par avion militaire comme les autres ressortissants français. «Depuis la crise plus besoin de visa de sortie», nous a confirmé par un mail lapidaire l'ambassade française en Libye.
Arrivée en France depuis quelques jours, Catherine l'a mauvaise: «J'ai un avis plus mesuré que mes collègues sur la responsabilité de l'ambassade. Cela dit, bien évidemment je suis déçue. On est parti là-bas avec plein d'espoirs. On revient avec des dettes. Non, ce n'était pas le plan du siècle. Vraiment pas.»